(Interview Yonhap) Tamara Mawhinney, chargée d'affaires de l'ambassade du Canada : «On voit vraiment une accélération des relations»

Tamara Mawhinney, la chargée d'affaires a.i. de l'ambassade du Canada, lors de l'interview accordée à l'agence de presse Yonhap à la mission diplomatique canadienne à Séoul, le jeudi 19 novembre 2023.
SEOUL, 19 jan. (Yonhap) -- La Corée du Sud et le Canada fêtent cette année le 60e anniversaire de l'établissement de leurs relations diplomatiques. A cette occasion, la chargée d'affaires ad interim de l'ambassade du Canada à Séoul, Tamara Mawhinney, a accordé ce jeudi une interview en français à l'agence de presse Yonhap.
Dans le pays depuis août 2022, la haute diplomate canadienne est revenue sur l'histoire des liens bilatéraux, a analysé leur situation actuelle et s'est confiée sur leur avenir. Les relations officielles entre les deux pays ont été nouées le 14 janvier 1963. Une cérémonie d'anniversaire a été organisée jeudi dernier à la mission diplomatique canadienne, située dans le centre de la capitale, en présence du ministre des Affaires étrangères Park Jin.
La chargée d'affaires a également abordé d'autres sujets : le «partenariat stratégique global» annoncé à Ottawa en septembre 2022 par le président Yoon Suk Yeol et le Premier ministre canadien Justin Trudeau, les stratégies de son gouvernement pour l'Indo-Pacifique, ses futures orientations diplomatiques à l'égard de Séoul, les relations économiques et commerciales et les positions vis-à-vis de la Corée du Nord.
Elle s'est félicitée de voir «vraiment une accélération des relations» bilatérales, notamment l'année dernière avec le renforcement de la coopération dans les technologies, la lutte contre le changement climatique et les échanges humains, ainsi qu'avec l'élévation du partenariat. Mais, dans le même temps, elle a souligné le besoin de «passer à une vitesse supérieure sur le plan économique et aussi géostratégique».
Après ses débuts dans la diplomatie en 1993, Tamara Mawhinney a travaillé à l'ambassade du Canada en France (2001-2006 et 2013-2014) et à la mission du Canada auprès de l'Union européenne à Bruxelles (2007-2012). Elle a ensuite été conseillère de Michaëlle Jean, secrétaire générale de la Francophonie à Paris (2014-2016).
De retour à Ottawa, elle est devenue directrice exécutive à Affaires mondiales Canada (division Nations unies-Conseil de sécurité). A partir de 2018, elle a occupé le poste de représentante permanente adjointe de la mission du Canada auprès de l'ONU à Genève avant sa nomination en Corée du Sud.

Tamara Mawhinney, la chargée d'affaires a.i. de l'ambassade du Canada, lors de l'interview accordée à l'agence de presse Yonhap à la mission diplomatique canadienne à Séoul, le jeudi 19 novembre 2023.
- Cette année marque le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la Corée et le Canada. Il y a eu la cérémonie à l'ambassade la semaine dernière avec le ministre des Affaires étrangères Park Jin. Le président Yoon et le Premier ministre Trudeau se sont échangés des tweets. Quel est votre état d'esprit ?
▲ La ministre (canadienne des Affaires étrangères Mélanie) Joly a fait un tweet également et nous avons reçu aussi un message de la part de la gouverneure générale (Mary Simon). Il y a eu un très bel échange de lettres (entre chefs d'Etat). J'ai un sentiment de grande humilité, de grande joie. Je pense qu'on a commencé sur un beau début (avec la cérémonie du 12 janvier). C'était vraiment une belle façon d'ouvrir cette année si importante. On a vraiment trouvé un ton qui était joyeux mais aussi respectueux. On est face à de grands défis ensemble. On a pu constater l'ampleur du champ d'action partagé entre le Canada et la Corée. Il y avait une bonne ambiance, presque familiale à l'événement de la semaine dernière. Donc on commence avec joie mais aussi humilité.
- De grands événements de célébration sont prévus pour cette année.
▲ C'est un grand programme et c'est ça qui est tellement formidable et à plusieurs niveaux. Surtout, il y a un programme public, culturel. Il y aura une série d'événements culturels, d'échanges entre artistes, une participation à la biennale de Gwangju, des expositions d'artistes canadiens, des échanges littéraires tout au long de l'année. On s'attend également à un nouveau voyage du Cirque du Soleil en Corée. Donc, on espère marquer les esprits tout le long de l'année pour rappeler l'ampleur des liens entre le Canada et la Corée. Et puis en parallèle, bien sûr, il y aura tout un calendrier politique et diplomatique. Donc, on s'attend à ce qu'il y ait une rencontre au sommet.
- Oui, le président Yoon a invité le Premier ministre Trudeau qui a accepté...
▲ On espère que le point d'orgue sera la rencontre entre nos deux leaders de nouveau après la visite du président Yoon au Canada en septembre. Il y aura aussi un événement commémoratif qui reflètera non seulement le 60ᵉ anniversaire de nos relations diplomatiques bilatérales mais également le 70ᵉ anniversaire de l'armistice, ce qui rappelle la participation canadienne à la guerre de Corée. On espère inaugurer un nouveau monument pour les soldats canadiens qui étaient présents en Corée. L'endroit s'appelle Gapyeong et rappelle une bataille d'une importance particulière pour les troupes en avril 1951. Donc, ce sera un moment pour à la fois regarder en arrière, rappeler la contribution et regarder vers l'avenir.
- Quel bilan tirez-vous des 60 ans de relations diplomatiques entre la Corée et le Canada ?
▲ C'est un très beau bilan et un bilan assez unique. Bien sûr, on a des liens entre les peuples qui existent depuis bien plus de 60 ans. Donc les 60 ans, c'est vraiment des liens plus diplomatiques et beaucoup a été fait. Un accord de libre-échange, des échanges diplomatiques, une présence canadienne ici par le biais des Nations unies, un rôle canadien dans le régime des sanctions face au régime de la Corée du Nord et puis un approfondissement des liens entre nos deux populations, par l'immigration, par les échanges culturels, par l'éducation, par la venue au Canada d'étudiants coréens et la venue en Corée de jeunes canadiens pour enseigner l'anglais.
- Justement un «partenariat stratégique global» a été annoncé en septembre dernier par les deux dirigeants.
▲ C'était toute la signification de la visite du président Yoon au Canada au mois de septembre. L'accord entre notre chef de gouvernement et votre chef d'Etat était d'établir un «partenariat stratégique global». Je sais que ce n'est pas toujours facile pour le public de comprendre la signification de ces mots diplomatiques, mais c'est très important pour nous, diplomates, et cela nous donne vraiment de la matière sur laquelle on peut travailler. Et c'est une reconnaissance importante des rôles qu'on peut jouer. Donc, l'année dernière, on a vraiment vu une accélération de nos relations.
- Les deux pays sont convenus de poursuivre le développement des synergies dans le cadre de leurs stratégies respectives pour l'Indo-Pacifique et le Pacifique Nord.
▲ L'année dernière, il y a eu la publication de part et d'autre des stratégies canadienne et coréenne pour l'Indo-Pacifique qui se retrouvent, qui se reflètent mutuellement et qui soulignent l'importance respective de nos pays l'un pour l'autre. Donc ça aussi, c'est un aspect important de ce bilan. [...] Publiée à la fin du mois de novembre, notre stratégie, c'était quand même deux ans de travail. Elle représente vraiment un effort pancanadien. Donc, ce n'est pas juste le ministère des Affaires étrangères qui s'exprime. Notre ministre a vraiment fait l'effort de consulter tous les niveaux de gouvernement, fédéral et provincial, d'aller voir des ONG, des universitaires pour vraiment avoir une vue d'ensemble et d'offrir aussi une ouverture vers le monde qui implique toute la société canadienne, pas juste un ministère.
- Que vise votre stratégie ?
▲ La stratégie cherche à souligner également qu'on a toujours fait partie de la région du Pacifique. Mais on essaye de changer notre approche pour qu'on soit un partenaire sur la durée dans la région et qu'on essaye vraiment d'appuyer certains principes dans notre engagement dans la région, la démocratie, les droits de la personne, le libre-échange. C'est essayer de changer d'approche et de réfléchir avec la Corée, notamment sur la manière de créer des paramètres dans les domaines de la sécurité, du transport, de l'environnement dans cette région. Et la stratégie coréenne évoque également ce concept aussi. C'est nouveau, c'est à nous de le définir.

Tamara Mawhinney, la chargée d'affaires a.i. de l'ambassade du Canada, lors de l'interview accordée à l'agence de presse Yonhap à la mission diplomatique canadienne à Séoul, le jeudi 19 novembre 2023.
- Quelles sont les grandes orientations diplomatiques du Canada à l'égard de la Corée pour les prochaines années ?
▲ Là aussi, on a beaucoup de beaux projets et de belles perspectives. La visite du président Yoon nous a vraiment aidés à définir avec un peu plus de précision les chantiers où on souhaite travailler. Donc, lorsque les deux leaders ont annoncé qu'on passait à ce partenariat global, ils ont aussi énoncé cinq grands chantiers. Donc, on va suivre ces paramètres pour le travail qu'on va faire cette année, mais aussi pour définir les relations pour les 60 prochaines années. Les cinq chantiers sont : (1) démocratie, droit de la personne, ordre mondial basé sur les règles ; (2) défense et sécurité ; (3) commerce, investissement, sécurité économique et innovation ; (4) changement climatique, protection de l'environnement et transition énergétique ; (5) partenariats dans la santé et la culture.
- La lutte contre le changement climatique est un sujet qui vous tient à cœur...
▲ La question du changement climatique est vraiment un très grand chantier. Sur le plan bilatéral, on a lancé un dialogue avec la Corée. Notre ambassadrice pour la lutte contre le changement climatique était en Corée. C'était presque la première visite que j'ai eue après mon arrivée. Elle a entamé ce dialogue avec l'ambassadrice coréenne Kim (Hyoeun Jenny). Et donc on va voir ce dialogue se pérenniser, et aussi au niveau de la stratégie sur l'Indo-Pacifique. La lutte contre le changement climatique se retrouve intégrée à tous les sujets de la stratégie. C'est devenu un volet crucial de toute notre action diplomatique dans la région. Et c'est une thématique qui va revenir. Et je suis sûre que lorsque les leaders se reverront, ça sera aussi un aspect important des choses sur lesquels ils échangeront.
- Au plan économique et commercial, sur quels points la Canada se focalise-t-il plus particulièrement lorsqu'il s'agit de la Corée ?
▲ Le Canada souhaite être un partenaire fiable et dans la durée pour la Corée, et ce sur le plan énergétique, sur le plan de l'approvisionnement en ressources naturelles et aussi dans les échanges technologiques, la recherche et développement, en travaillant de pair sur les grandes questions de passage à des nouvelles technologies et des sources d'énergie renouvelables. [...] Vous avez peut-être vu dans la presse cette semaine, au Canada, le Premier ministre a visité plusieurs sites, notamment d'investissements coréens. En fait, pour nous, le défi industriel clé, c'est la transformation de notre secteur automobile qu'on a toujours eu. C'est un point important de l'économie canadienne, un secteur qui est très intégré avec les Etats-Unis. Il faut transformer ce secteur en un secteur propre qui aide la lutte contre le changement climatique.
- Votre ambassade à Séoul défend aussi les intérêts du Canada en Corée du Nord. Quelle est la position du gouvernement canadien vis-à-vis de l'Etat nord-coréen ?
▲ On suit de près tout ce qui se passe par rapport à la Corée du Nord. On s'exprime face aux tests, aux lancements de missiles. Pour ça, on est très cohérent, on a pas changé. Les provocations vont à l'encontre des résolutions du Conseil de sécurité (de l'ONU), des normes multilatérales et notamment de toutes les normes sur la non-prolifération nucléaire. Donc, on se prononce là-dessus très clairement. On est aussi très clairs par rapport à ce que nous considérons comme des violations des droits de la personne et on cherche à souligner l'importance du respect de ces principes quand on peut. Donc, on essaie de suivre aussi toute l'action du Conseil de sécurité, des enceintes multilatérales en général.
- Quel est le calendrier des visites pour cette année ?
▲ On planifie ça (la visite de Trudeau), mais on est jamais à l'abri d'un changement ou d'un événement international. C'est le projet et on l'attend de pied ferme. (Pour les membres du gouvernement) On essaie de fixer un calendrier. C'est toujours un grand effort diplomatique. Mais au vu de toutes les priorités dont on a discuté, que ce soit par la stratégie Indo-Pacifique ou dans nos relations bilatérales, on ne sera pas surpris d'avoir une présence du ministre de l'Environnement, de la ministre de la Défense, éventuellement de la ministre de l'Agriculture. Tout est à confirmer. Mais ce qui est clair, c'est qu'il y a un grand intérêt de la part du gouvernement canadien d'approfondir les échanges avec leurs contreparties coréennes. Donc, je pense que ce sera un calendrier assez dense.
- Dans quelques jours, il y aura la fête de Seollal, l'une des deux plus grandes fêtes traditionnelles en Corée. Avez-vous un message particulier à faire passer à cette occasion ?
▲ Tous les vœux de bonheur et de prospérité, de sérénité pour l'année qui s'annonce. Et je trouve que c'est une belle fête. De ce que je comprends, c'est une fête qui souligne la famille et aussi un temps de recueillement, de réflexion, de préparation pour l'année qui vient. Et puis, je sais aussi qu'il y a de belles manifestations culturelles. [...] Si j'ai bien compris, dans la tradition, cette année, c'est l'année du lapin noir et le lapin noir évoque la sagesse, l'agilité et la prospérité. Donc, ce sont les mots clés qu'on va essayer de garder à l'esprit pour l'année qui s'annonce.
Propos recueillis par Xavier Baldeyrou
(FIN)
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